Amazon ne représente pas le e-commerce !

À travers sa place de marché, Amazon copie les produits des vendeurs qu’il héberge, puis oriente le trafic vers ses propres produits. Sa taille et son hégémonie lui permettent d’entraver la concurrence : aux instances d’agir en faveur des e-commerçants.

Le point de vue de Jean-Paul CRENN, Direction fondateur de VUCA-Strategy et Président de la Fédération du e-Commerce en Occitanie (FEDEO) sur la réalité du e-commerce d’Amazon et sur la myopie des politiques, sur TOULECO.

Quel cynisme ! Dans ses publicités, Amazon se revendique « partenaire des petites et moyennes entreprises ». En fait, il les utilise pour mieux les parasiter. À travers sa place de marché, le géant américain dépasse la simple mise en relation entre acheteurs et vendeurs. Il se sert des données collectées sur les offres mises en vente par ses « partenaires » pour les reproduire et orienter le trafic en faveur de ses produits, comme le révélait The Wall Street Journal en septembre 2019.

Jeff Bezos se défendait de contre-façon devant la justice américaine. Pourtant, rebelote en Inde : des documents internes mettent cette démarche par écrit. Ainsi, Amazon copie le patronage des vêtements (dimensions, formes, tissus) de sa place de marché pour les reproduire à moindre coût. D’autres grands groupes français imitent ces pratiques. Sauf qu’en tant que premier moteur de recherche pour produits en Europe et Amérique du Nord, devant Google, Amazon biaise toute concurrence. De plus, grâce au référencement naturel, ses produits apparaissent aussi en tête des autres moteurs de recherche (Google). Ce n’est même plus une entrave à la neutralité du web : Amazon devient le web ! Nous plaidons pour diviser l’entreprise entre sa place de marché et ses ventes. Les acteurs concernés se revendiquent étanches mais nous n’en avons aucune garantie et chaque document publié montre que nous avons raison de nous méfier. Le véritable actif est la donnée !

Ce vice fondamentale des places de marchés hybrides génère presque mécaniquement une concurrence déloyale où un même acteur participe et « régule » le marché. À l’inverse d’Ebay ou Leboncoin, ils ne sont pas neutres puisqu’ils vendent leurs produits. Celui qui propose un espace de mise en relation ne doit pas y vendre, à l’image des galeries marchandes physiques : l’hypermarché garantit un flux de consommateurs aux enseignes qu’il héberge et il veille à ne pas les concurrencer dans leur domaine d’activité.

C’est donc au secteur politique et légal de les empêcher. Malheureusement, les collectivités font preuve d’un manque de discernement et accablent le e-commerce dans sa globalité, au prétexte qu’il faudrait consommer local. Sa stigmatisation pénalise les petits et moyens acteurs, sans amoindrir Amazon, aux enjeux tout autre. Les e-commerçants – notamment de petite et moyenne tailles – créent des emplois sur le territoire, deux tiers disposent également d’une boutique physique. Le e-commerce n’est en rien incompatible avec une consommation locale. Mais Amazon se distingue par ses dimensions, qui changent la nature même de la concurrence.

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Fedeo estime que les instances publiques devraient militer pour encadrer le géant américain à l’échelle nationale et européenne. Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, a commencé à instruire un dossier mais la démarche prend du temps. Les délais de la sphère politique et légale ne sont pas ceux des petites entreprises, qui constituent la richesse du pays.

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