Vous ne connaissez pas Simon Leys ?
Jusqu’à la semaine dernière, moi non plus. Et c’était bien dommage.
Un bel esprit, portant un oeil décapant et très humain sur notre société, sur nous.
Quelques extraits (les quatrièmes de couverture de 2 de ses ouvrages)pour vous mettre en appétit :
Zhuang Zi et le logicien Hui Zi se promenaient sur le pont de la rivière Hao.
Zhuang Zi observa : ” Voyez les petits poissons qui frétillent, agiles et libres ; comme ils sont heureux ! ”
Hui Zi objecta : ” Vous n’êtes pas un poisson ; d’où tenez-vous que les poissons sont heureux ? – Vous n’êtes pas moi, comment pouvez-vous savoir ce que je sais du bonheur des poissons ? – Je vous accorde que je ne suis pas vous et, dès lors, ne puis savoir ce que vous savez. Mais comme vous n’êtes pas un poisson, vous ne pouvez savoir si les poissons sont heureux. – Reprenons les choses par le commencement, rétorqua Zhuang Zi, quand vous m’avez demandé “d’où tenez-vous que les poissons sont heureux” la forme même de votre question impliquait que vous saviez que je le sais. Mais maintenant, si vous voulez savoir d’où je le sais – eh bien, je le sais du haut du pont. “
” La plupart des gens sont d’autres gens “, disait Oscar Wilde. ” Leurs pensées sont les opinions de quelqu’un d’autre; leur vie est une imitation; leurs passions, une citation. Il n’y a qu’une façon de réaliser sa propre âme, et c’est de se débarrasser de la culture. ”
En effet, beaucoup de florilèges me rappellent un assez morne personnage de ma connaissance; il avait noté une collection de plaisanteries dans un petit carnet, et chaque fois qu’on l’invitait quelque part, avant de se mettre en route, il commençait par mémoriser une douzaine d’anecdotes et de bons mots, dans l’espoir d’éblouir ses hôtes avec les feux d’artifice de son esprit.
Toutefois, un florilège n’est pas nécessairement inspiré par un pathétique désir d’impressionner autrui au moyen de ce vernis d’emprunt que Wilde avait raison de railler. Il peut aussi refléter une réalité qu’avait bien saisie Alexandre Vialatte: ” Le plus grand service que nous rendent les grands artistes, ce n’est pas de nous donner leur vérité, mais la nôtre. ” Un florilège qui rassemblerait des citations choisies seulement pour leur éloquence, leur profondeur, leur esprit ou leur beauté risquerait d’être tout à la fois fastidieux, interminable et incohérent. Il ne peut tirer son unité interne que de la personnalité et des goûts du compilateur lui-même, dont il présente une sorte de miroir.
Les titres de ces livres :
Le Bonheur des petits poissons : Lettres des Antipodes
Les idées des autres : Pour l’amusement des lecteurs oisifs