Clauses abusives et Vente forcée : Le Tribunal de grande instance (TGI) de Bordeaux, dans un jugement du 11 mars 2008, a déclaré abusives ou illicites plusieurs clauses figurant dans les conditions générales de vente de CDiscount.
Il lui a également interdit la pratique d’ajout automatique de produits et de services.
Cdiscount est relativement coutumier du fait. Tout comme Pixmania qui, à ma connaissance, a été le premier à pratiquer dans le e-commerce en France, l’ajout systématique de contrats d’assurance par défaut sur les ventes.
Ma source: le Forum des droits sur Internet. Un très bon site au passage. Même s’il fait un peu beaucoup d’auto-promo (mais faut ce qu’il faut !)
Le Tribunal de grande instance (TGI) de Bordeaux, dans un jugement du 11 mars 2008, a déclaré abusives ou illicites plusieurs clauses figurant dans les conditions générales de vente de la société CDiscount et lui a ordonné de les supprimer dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte.
Il a interdit à la société CDiscount de présélectionner d’office des commandes complémentaires à la commande passée par un consommateur. Il a condamné le cybermarchand à verser à l’association UFC-Que Choisir la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il a également ordonné la publication d’un extrait de la décision contenant la liste des clauses jugées irrégulières dans trois quotidiens à hauteur de 10 000 euros par insertion. Il a accordé l’exécution provisoire du jugement.
Au niveau de l’interdiction de la pratique d’ajout automatique de produits et services :
Le Tribunal a considéré que la présélection par le fournisseur de produits annexes, sans que le consommateur ait manifesté sa volonté de les acheter, est contraire à l’article L. 122-3 du Code de la consommation sur la vente forcée. Il a ajouté que la volonté du consommateur d’acheter les produits ou services présélectionnés peut s’exprimer par la validation de la commande. Toutefois, le site de e-commerce doit avoir clairement affiché l’information relative aux produits annexes présélectionnés, preuve qui n’a pas rapportée en l’espèce CDiscount.
A noter que le rapport sur les « mécanismes de réduction des prix » remis le 1er avril 2008 au ministre de l’Économie a notamment proposé « d’interdire la pratique commerciale consistant à pré-intégrer à la commande du client, sans avoir obtenu son consentement préalable, des composantes optionnelles de l’offre (par exemple, un accessoire, une garantie complémentaire, un délai de livraison raccourci…) qui affectent le prix final ».
Les clauses des conditions générales de vente de Cdiscount soumises au juge :
Le Tribunal de grande instance de Bordeaux a examiné tour à tour les clauses figurant dans les conditions générales de vente du site de e-commerce CDiscount.
Parmi ces clauses, 5 ont été considérées licites et 12 ont été déclarées abusives ou illicites :
Sont licites les clauses prévoyant :
– que les offres de produits sont valables dans la limite des stocks disponibles. Le juge a en effet considéré que cette mention ne prive pas le consommateur, en cas d’indisponibilité du produit, d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a versées conformément à l’article L. 121-20-3 du Code de la consommation. Il prend en compte les contraintes propres à la vente à distance.
– en cas d’indisponibilité du produit commandé, la proposition d’un produit similaire ou le remboursement sous forme de bons d’achat si le montant du produit est inférieur à 500 euros. Selon le TGI de Bordeaux, la clause ne fait aucunement obligation au consommateur d’accepter le produit similaire ou le bon d’achat. Il a la possibilité de demander le remboursement par chèque au site de e-commerce. La loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs dite loi « Chatel » a modifié l’article L. 121-20-1 du Code de la consommation en limitant le recours au remboursement sous forme d’avoir. La nouvelle disposition, qui entrera en vigueur le 1er juin 2008, prévoit que « [le] remboursement s’effectue par tout moyen de paiement. Sur proposition du professionnel, le consommateur ayant exercé son droit de rétractation peut toutefois opter pour une autre modalité de remboursement ».
– pour les produits d’un poids supérieur à 30 kg, la livraison du produit « à la porte palière » (sic). Le juge a considéré que le site de e-commerce, procédant à la livraison du produit au domicile du consommateur (selon la clause, au pied de l’immeuble ou devant chez l’acheteur), respecte l’obligation de délivrance imposée au vendeur. Il a ajouté que le site de e-commerce propose un service complémentaire, « la livraison service plus », et que le consommateur doit pouvoir garder le choix de bénéficier d’un moindre coût s’il est à même de procéder lui-même à la manutention.
– l’exclusion, pour des raisons d’hygiène, de l’exercice du droit de rétractation pour les sous-vêtements, piercing ou boucles d’oreilles. Le juge a estimé que ces produits entraient dans le champ de l’exception prévue par l’article L. 121-20-2 du Code de la consommation (« produits qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou se périmer rapidemant »).
– que le consommateur peut effectuer le retour des produits par colissimo suivi. Le juge a estimé que cette clause n’est pas criticable dès lors qu’il s’agit d’une information et non d’une obligation imposée à l’acheteur.
Ont été déclarées comme abusives ou illicites les clauses prévoyant :
– que les délais de livraison sont « des délais moyens ». Le TGI de Bordeaux a estimé que cette clause est contraire à l’article L. 114-1 du Code la consommation qui impose la fourniture d’un délai de livraison pour les produits d’un montant supérieur à 500 euros. A noter que la loi Chatel a écarté le seuil de 500 euros en matière de vente à distance. L’article L. 121-20-3 du Code de la consommation modifié, qui entrera en vigueur le 1er juin 2008, prévoit que « Le fournisseur doit indiquer, avant la conclusion du contrat, la date limite à laquelle il s’engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation de services. A défaut, le fournisseur est réputé devoir délivrer le bien ou exécuter la prestation de services dès la conclusion du contrat. En cas de non-respect de cette date limite, le consommateur peut obtenir la résolution de la vente dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 114-1. Il est alors remboursé dans les conditions de l’article L. 121-20-1 ». Voici, AMHA, une clause qui va générer bien des soucis.
– que le consommateur ne peut pas annuler sa commande en cas de retard dès lors que la commande a été expédiée des entrepôts du site de e-commerce. Cette clause a été considérée comme contraire à l’article L. 114-1 du Code de la consommation, le consommateur pouvant se prévaloir d’une inexécution contractuelle en cas de retard de livraison, peu important que la commande soit en cours d’expédition ou non.AMHA, c’est tout à fait normal.
– que le consommateur doit confirmer ses réserves par courrier recommandé auprès du transporteur dans un délai de 48 heures. Le juge a relevé que cette clause était abusive en ce qu’elle impose au consommateur des diligences particulières laissant entendre, qu’en cas de non respect de celles-ci, aucun recours ne pourra être exercé par le consommateur contre le vendeur, qui a la charge des risques du transport. AMHA, il y avait en effet nécessité de clarifier cette partie des clauses pour lesquelles un certain flou avait été volontairement entretenu par Cdiscount.
– que le droit de retour d’un produit est conditionné à une demande à formuler auprès du service client du site de e-commerce qui délivrera au consommateur un numéro de retour. Le TGI de Bordeaux a considéré que cette clause est abusive en ce qu’elle ajoute une condition à l’exercice du droit de rétractation : « le retour ne peut être subordonné à une demande, ni à la réception d’un numéro […] ». Cdiscount est loin d’être le seul a exiger ce type de processus. Pratiquement toutes les sociétés de VAD et de e-commerce le font Il faut donc “conseiller” ce processus au consommateur et non l’y “obliger”. Ca ne va pas être facile….
– l’obligation pour le consommateur de procéder au retour du produit dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord par le service client. Le juge a estimé que cette clause, de par son caractère général (pas de différenciation selon que le retour résulte de l’exercice du droit de rétractation, d’une défectuosité ou d’une non conformité du produit), est contraire à l’article L. 211-12 du Code de la consommation qui prescrit l’action en non conformité par deux ans. Normal.
– qu’une grève totale ou partielle des services postaux, de transporteurs, et de catastrophes causées par inondations ou incendies constituent des cas de force majeure. Le TGI de Bordeaux a considéré que cette clause est contraire à la définition jurisprudentielle de la force majeure. Là, c’est tout simplement se moquer du monde en ce qui concerne la Poste et Colissimo qui, de facto, ont une position de quasi-monopole dans le transport de marchandises auprès du particulier.
– qu’en cas de non livraison d’une commande, le consommateur ne peut effectuer de réclamation auprès du professionnel au-delà d’un délai de six mois. Bien que supprimée par CDiscount, le juge a interdit cette clause à l’avenir, le professionnel ne pouvant s’exonérer de son obligation de délivrance à l’expiration d’un délai qu’il a lui-même fixé. Normal, même si ca va exciter les commissaires aux comptes car, du coup, il va falloir évaluer ce risque dans les comptes de sociétés de e-commerce… et par contrecoup cela va faire baisser leur rentabilité.
– dans le cas de l’exercice du droit de rétractation par l’acheteur, l’enlèvement par le site de e-commerce des colis d’un poids supérieur à 30 kilos moyennant le paiement de frais forfaitaires de 75 euros. Le TGI de Bordeaux a jugé cette clause contraire à l’article L. 121-20 du Code de la consommation, « le consommateur ne pouvant se voir imposer des frais forfaitaires, d’autant que la définition du produit très volumineux n’étant pas précise, ces frais peuvent être imputés à la seule discrétion du fournisseur ». Normal, nos amis de Cdiscount n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère.
– l’exclusion de l’exercice du droit de rétractation pour les produits déstockés. Le TGI de Bordeaux, pour déclarer cette clause illicite, s’est fondé sur le principe général édicté par l’article L. 121-20 du Code de la consommation. Normal.
– un délai de quinze jours à compter de l’acceptation du retour pour rembourser l’acheteur. Le juge a estimé que cette clause doit être supprimée en ce qu’elle ne correspond pas aux dispositions légales (article L. 121-20-1 du Code de la consommation) et prévoit un délai commençant à courir à compter d’une date indéterminée. Normal.
– que l’acheteur doit recourir à une expertise préalable pour le constat d’un vice caché. Le TGI de Bordeaux a estimé que cette clause était illicite en ce qu’elle est de nature à dissuader le consommateur de faire valoir ses droits. Normal.
– qu’en cas d’exercice du droit de rétractation par le consommateur, celui-ci devra retourner le produit « dans son emballage d’origine, non ouvert, non descellé, non marqué… ». Cette clause est considérée par le juge comme valable dans son principe mais elle devra être modifiée, l’emballage devant pouvoir être ouvert par l’acheteur. Il ne faut pas oublier que le droit de rétractation s’analyse en un droit à l’erreur et à l’essai du produit. Celui-ci doit par conséquent pouvoir être employé conformément à sa destination normale. Il doit être rendu dans un état neuf, sauf usure normale du bien après un essai non abusif. La aussi, Cdiscount n’est pas le seul à faire valoir cette clause sur les retours: toutes les entreprises de VAD et de e-commerce font de même. Pour une raison très simple: comment est-ce qu’on revend un produit qui n’est plus dans un emballage d’origine ? Si ce n’est le revendre à perte lors d’opérations de déstockage. Voilà encore un risque que votre commissaire aux comptes va être très attentif à valoriser dans vos comptes. Votre entreprise de e-commerce va alors perdre une partie non négligeable de sa rentabilité et votre valorisation va prendre un sacré coup… “Adieu, veaux, vaches, cochons”…
Ces décisions vont faire jurisprudence pour les clauses figurant dans les conditions générales de vente des sites de e-commerce.
Elles vont également fortement minorer la rentabilité globale des sites de e-commerce français.
Car, rassurez vous, nos amis établis au Luxembourg, au Royaume-Uni ou en Andorre n’ont pas ce type de problème.
Tiens, l’Andorre c’est pas loin de Toulouse…
Mais pour créer une société là-bas il faut parait-il s’associer avec un Andorran.
Quelque qu’un connait-il un Andorran honnête ?
Aie!
Pas sur la tête !
La morale de la morale, c’est que les gens honnêtes trinquent pour ceux qui abusent !
Aie!
Pas sur la tête !