
Touléco a publié un interview de Jean-Paul CRENN consacré au rôle que joue pour Amazon sa marketplace dans la construction de son monopole.
Amazon met en avant l’aide qu’elle apporterait aux petites entreprises à travers sa marketplace devenue incontournable, tout en masquant le montage des coûts exorbitants qu’elle impose aux vendeurs. Le doublé est fatal aux e-commerçants les plus fragiles.
Sur le site d’Amazon et leurs publicités, on peut lire : « Amazon accompagne la réussite des PME françaises ». C’est choquant ! L’affirmation est mensongère et d’un cynisme total. Non, le leader mondial du e-commerce n’aide pas nos entreprises : ce sont plutôt elles qui paient pour étendre sa domination. Désormais premier moteur de recherche pour les acheteurs de produits en ligne, la marketplace Amazon est devenue pour les e-commerçants un passage – ou plutôt un péage – obligé pour accéder au marché ; ce faisant, ils financent l’hégémonie d’Amazon… et parfois leur propre perte.
Amazon argue que ses tarifs n’ont pas augmenté. Pourtant, elle empoche aujourd’hui 30 à 40 % du chiffre d’affaires des e-commerçants, un chiffre exorbitant. Comment ? En masquant une partie des frais. La commission de base ou « referral fees » qu’Amazon met en avant reste effectivement assez stable dans le temps, autour de 15 % du prix de vente. Cependant, deux autres services onéreux sont devenus pratiquement inévitables pour les vendeurs, sous peine de voir leurs produits relégués en queue des offres et leurs ventes chuter librement : la prestation logistique et la publicité. Amazon part du principe simpliste qu’une petite entreprise qui gère sa logistique en interne sera moins performante qu’une autre qui utilise sa prestation d’entreposage et d’expédition dénommée FBA (« Fulfillment By Amazon »). L’algorithme de référencement va donc privilégier ces dernières. De même, la publicité est désormais incontournable en échange d’une mise en avant. Le coût total est en hausse constante et les petites entreprises, qui sont en outre les plus fragiles, se retrouvent petit à petit contraintes de vendre à perte. C’est l’engrenage de la dépendance.
Il est tout à fait normal et attendu qu’Amazon, comme toute entreprise, cherche à maximiser son profit. En parallèle, les responsables politiques se doivent néanmoins de garantir une concurrence loyale. Le législateur devrait reconnaître que certains acteurs sont devenus incontournables, et la dynamique monopolistique d’Amazon amène à réfléchir sur l’impact qu’aurait une marketplace unique et omnipotente. Par ailleurs, le statut « hybride » de certains sites génère un biais de concurrence énorme : une césure d’étanchéité entre les statuts d’hébergeur et de vendeur serait la bienvenue. D’autres pratiques sont problématiques, comme la rétention d’informations clients par certaines marketplaces, ce qui par ailleurs ne les empêche pas d’utiliser ces données à leur avantage.
Les petites entreprises ont aussi leur part de responsabilité. Elles doivent s’aguerrir : la naïveté est proscrite quand on travaille avec un géant du business ! D’ailleurs, bien utilisé, Amazon est un excellent partenaire, tout comme la plupart des grandes marketplaces. Pour en tirer le meilleur, il existe quelques astuces : ne jamais proposer tout son catalogue par exemple. L’idéal est de prévoir une offre spécifique avec des niveaux de marges adaptés. Autre conseil : en cas de sourcing à valeur ajoutée, mieux vaut éviter de laisser le code barre initial pour ne pas se faire piquer son fournisseur ! Les e-commerçants doivent se serrer les coudes : tous les acteurs de la région Occitanie sont bienvenus à la Fédéo, dont je suis le Président, pour bénéficier de notre travail en la matière et partager leurs retours d’expériences