Auchan, Alibaba : Tribune dans Les Echos

 Les Echos ont publié ma tribune sur le retrait d’Auchan du marché chinois. J’y développe l’analyse qu’il ne s’agit pas “que” d’un constat d’échec du distributeur français dans l’Empire du Milieu mais celui des acteurs du commerce physique face au e-Commerce.

Aujourd’hui la Chine, demain l’Europe.

Pour lire l’article sur Les Echos.

Pour le lire directement :

En revendant ses parts détenues
dans sa filiale chinoise SunArt, le groupe nordiste fait l’aveu de son
impuissance technologique face à son partenaire Alibaba.

Sunart avait été créé par Auchan,
au début du millénaire, avec l’entreprise taiwanaise Ruentex Group, remplacée
en 2017 par Alibaba.

Avec 36% des parts, le
distributeur français avait le contrôle de l’entreprise mais il n’a pas eu la
capacité d’intégrer la technologie pour répondre aux attentes du marché, comme
sait le faire un e-commerçant Pure-Player à l’exemple de son partenaire
Alibaba.

La force croissance de la vente
via le canal numérique sur le marché chinois a porté les performances de
l’entreprise de Hangzhou, avec une croissance de son bénéfice net de +143% en glissement
annuel et de son cours d’action de +44,89% depuis le début de l’année.

Ce boom de l’e-commerce en Chine,
y compris dans l’alimentaire (+15%), le déséquilibre flagrant entre les 2
partenaires de SunArt, est devenu insoutenable pour Auchan.

D’autant plus qu’Alibaba n’a pas
caché ces dernières années son ambition sur le commerce de « magasins
physiques », notamment via son enseigne Hema Fresh.

L’offre de 3 Mds de $ permet à
Auchan de se retirer sans avoir à faire face à un partenaire devenant un concurrent
frontal.

Les communicants du distributeur français
soulignent que le marché chinois est « inspirant » mais « très
spécifique » pour justifier ce retrait et en restreindre la portée.

Pourtant le repli d’Auchan est la
continuité de l’échec du commerce traditionnel face aux pure-players.

Il
ne fait que confirmer la future domination sans partage des acteurs du
e-commerce sur la distribution, y compris physique.

Avec le rachat des parts d’Auchan
chez SunArt, Alibaba devient le leader de la distribution alimentaire en Chine.

A long terme les pure players
du e-commerce qui acquièrent ou créent des réseaux physiques, les « ex-Pure-Players »,
prendront progressivement le dessus, tout comme Alibaba l’a fait avec Auchan, tout
comme Amazon l’a fait avec Barnes&Noble, Morrisons ou ToysR’us aux
Etats-Unis et le fera demain en France avec le Groupe Casino via Monoprix.

La
raison de cette chute des acteurs traditionnels de la distribution physique au
profit des ex-Pure Players est à la fois structurelle et culturelle.

Les ex-Pure-Players ont
culturellement et structurellement considéré que le client et sa donnée sont au
cœur de leur activité.

Ils ont mis en place un système
d’information spécialisé totalement intégré, optimisé pour le traitement individualisé
de la visite jusqu’à sa livraison en passant par la commande. La spécialisation
et l’intégration induisent une efficience structurelle d’un tout autre niveau
qu’un distributeur physique partant d’une logistique orientée vers la
fourniture de magasins et essayant d’aller vers une logistique
« fine » pour une livraison individualisée.

Les
acteurs traditionnels de la distribution persistent à concevoir la
« tech » comme périphérique, tant au niveau stratégique que tactique
comme Auchan l’a montré à nouveau en Chine.

Il suffit de voir les affres que
connaissent les distributeurs ayant fait le choix de la facilité en réalisant
le picking en magasin pour leur service de drive alors qu’Amazon a fait
celui de l’exigence et peut expédier un colis sous 1 heure suite à une commande
en ligne bien qu’ayant un stock 3 fois moins important que ses pairs. Et ce
n’est qu’un début, la firme de Seattle a investi en 2019 800 M$ pour livrer ses
clients en 30 minutes d’ici 2024. Notons également que ces distributeurs
externalisent leur stratégie et tactique digitale à des « agences
digitales 360°» plutôt que de les considérer comme des actifs-clefs comme le
font systématiquement les acteurs historiques du e-commerce.

Pour les ex-Pure-Players
c’est la notion centrale du client qui est à la base de leur appréciation de leur
relation-client dans la durée. Ils ne se basent pas sur la rentabilité du
ticket de caisse mais sur celle de ce client, tout au long de sa vie avec eux. Cela
va même au-delà : les ex-Pure Players savent valoriser, grâce à la
donnée, non seulement le transactionnel mais surtout le relationnel avec ces
clients, au travers de l’évaluation des points de contact, au bénéfice de
l’expérience et donc de la fidélisation.

« Cent fleurs s’épanouissent »
est une ancienne expression chinoise qui signifie que le printemps arrive et
par extension la prospérité qu’on attend.

C’est
bien le Printemps du e-commerce qui commence juste à poindre tandis que pour la
distribution historique, « l’hiver arrive ».

A propos de l’Auteur :
L’un des pionniers du e-Commerce depuis 1994, fondateur
et dirigeant de VUCA Strategy, cabinet conseil spécialisé en e-commerce et en transformation
digitale depuis 16 ans, Jean-Paul CRENN (ISG, MBA HEC) est et a été dirigeant
d’entreprises de e-Commerce.

Conférencier, il enseigne
auprès de l’ESCP Europe, de la Toulouse School of Management et de TBS.

Président de la Fédération
du e-Commerce en Occitanie (FEDEO)
il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le e-Commerce et le Digital.

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